27.03.2024

Messe chrismale

Je salue fraternellement le père abbé, les religieux, les religieuses et les fidèles réunis pour cette eucharistie chrismale pendant laquelle je proposerai à votre réflexion la devise que j'avais choisie lors de ma consécration épiscopale et qui garde, hélas, toute son actualité pour bien d'entre nous !

 Patiens in adversis : patient face aux adversités

Pour célébrer dignement ces saints mystères, demandons le pardon de nos péchés…

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 Comme je l'ai annoncé avant même le début de cette célébration, je propose à votre réflexion la devise « Patiens in adversis », qui nous interpelle tous, dans la situation historique inquiétante que nous vivons.

Je prends comme guide l'apôtre Jacques, l'auteur de la première lettre catholique, afin que nous ne soyons pas victimes de qui pro quo concernant la valeur précise de cette vertu. 

 « Tenez pour une joie suprême mes, frères, d'être en butte à toute sorte d'épreuves. Vous le savez : bien éprouvée votre foi produit la constance ; mais que la constance s'accompagne d'une œuvre parfaite, afin que vous soyez parfaits, irréprochables, ne laissant rien à désirer. » (Jacques 1, 2-4)

 Trois mots, selon Jacques, caractérisent le chrétien, et, à plus forte raison, le prêtre et le religieux : la joie, la foi et la constance. En effet le mot latin patientia, vous me l'apprenez, n'indique pas un comportement passif, mais est l'équivalent de constance, persévérance, fermeté.

 Jacques nous invite à être pleins de joie pour notre vocation, à être persuadés qu'à travers elle nous nous épanouissons pleinement, à considérer même les épreuves et les tribulations que nous devons traverser, comme une source supplémentaire de joie.

 L'épreuve a un côté positif, dont il faut être conscients : c'est grâce à elle que l'on mûrit ! Sans compter que c'est en passant par la tentation que nous gagnons « la couronne de la vie. » Donc, malgré les épreuves, les tentations, les adversités, « soyez dans la joie ».

 Cette exhortation fait écho à l'Évangile des Béatitudes : Bienheureux…, bienheureux…, bienheureux ceux qui, à présent, sont confrontés à des situations difficiles, sont dans la peine, Bienheureux… s'ils gardent la foi !

 C'est là la deuxième condition : garder la foi ! Nous savons que, pour Jacques, croire n'est pas une simple adhésion intellectuelle, mais une adhésion de l'être tout entier, qui se manifeste par les œuvres, par des agissements cohérents avec la Vérité à laquelle on adhère. Sans les œuvres la foi est morte. Les adversités en éprouvent l'authenticité. Dans son épître (1,3b) Jacques dit que « bien éprouvée la foi produit la constance ». Autrement dit, à travers les épreuves, nous pouvons transformer notre fragilité en fermeté, endurance, constance, une patience, donc, qui loin d'être passive et plaintive est calme, sereine et active.

 Car la patience est une vertu qui se déploie de deux façons différentes : - elle agit, en œuvrant pour le bien malgré les difficultés ; - elle résiste, en supportant avec tranquillité torts et souffrances.

 Le bibliste Bruno Maggioni signale que Jacques se sert de trois mots grecs différents pour parler de la vertu chrétienne de la patience :

hypomoné : soit la résistance intérieure, le courage de souffrir sans se plaindre

kakopathie : qui dit la capacité de tout supporter sans se laisser abattre

makrothumie : c'est-à-dire la capacité de voir loin, au-delà, et d'attendre longtemps, atteignant ainsi la sérénité.

 Voilà alors que le paysan qui sème et ensuite attend, longtemps, attentionné, mais sans se tourmenter, que la plante pousse et donne son fruit, devient un modèle de patience chrétienne, au plein sens du mot.

 Apprenons donc du paysan à exercer cette vertu fondamentale pour pouvoir porter des fruits, même dans des situations difficiles, voire très difficiles !

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 Les huiles que nous nous apprêtons à bénir aujourd'hui sont une aide puissante pour vivre, avec joie, foi et patience, — chacun sa vocation personnelle — et cela malgré les adversités de notre temps. Ces huiles sont celles que l'on utilise pour défendre des attaques du malin ceux qui se préparent au baptême : l'huile des catéchumènes, pour accueillir, par le baptême, un nouveau membre de la communauté, le soutenir dans son chemin par la confirmation, l'aider à se préparer à la naissance définitive par l'huile des malades et des mourants, le consacrer comme prêtre à son service par le saint chrisme.

 Ainsi le Seigneur se rend présent, à notre côté, dans tous les moments marquants de notre existence, qui sont à vivre avec joie et patiens in adversis.

 Que cette certitude nous soutienne, même en pensant aux victimes de la montagne, qui a récemment endeuillé tant de familles.

 C'est avec cet esprit que je vous convie, frères et sœurs, à entrer dans le triduum saint qui nous fait revivre, dans le mystère de l'Eucharistie, les expériences de la Passion, de la Mort et de la Résurrection, gage de grâce et de paix pour l'humanité tout entière !

Mgr Pier Giacomo Grampa